Ci-dessous, vous trouvez un extrait du livre d’Houria Bouteldja. Sa clarté justifie cette publication, sans commentaire.
« L’Union européenne joue un rôle pivot dans le renforcement de l’Europe blanche dans le monde. Comme un aveu, la modification, le 10 septembre 2019, de la dénomination du poste de « commissaire européen à la migration » en « commissaire à la protection du mode de vie européen ». Car c’est bien cela que représente le projet de construction européenne : un moyen pour les États européens, qui voient leurs colonies leur échapper, de trouver une autre voie pour renforcer et assurer leur position hégémonique dans le monde. Les institutions européennes ne sont que l’expression concentrée des classes dominantes nationales dont le pouvoir est en partie transféré à un niveau supra-étatique. Pour Hamid Dabashi, historiquement, l’Europe forme une « barricade » contre le monde. La consolidation économique et politique des États- nations européens passe donc sans conteste par la consolidation de l’UE. Les groupes identitaires mobilisés derrière le slogan « Defend Europe » ne s’y trompent pas, la défense de la blanchité n’incombe plus nécessairement aux seuls États- nations. Ainsi, le renforcement du racisme et de l’extrême droite dans l’UE ne se fait pas en dépit des politiques de l’Union mais bien à cause de celles-ci… D’ailleurs, l’extrême droite s’accommode désormais parfaitement de l’UE, caressant même l’espoir d’y devenir majoritaire (en Suède, Pologne, Hongrie, Italie, France peut-être…).Il est cependant une faiblesse politique de l’UE qu’il faut souligner. S’il existe bien un double processus à l’œuvre dans la construction européenne : la confortation d’une part de « cette identité nouée autour de la clôture européenne, blanche et chrétienne » (au sein de la partie de la population ayant voté « oui » à la Constitution européenne notamment), et le renforcement d’autre part du nationalisme français de toute une partie de la population (sur lequel s’appuient les partisans nationalistes du Frexit), ce processus se fait au détriment du pacte social. Si les bourgeoisies nationales avaient jusqu’ici réussi à universaliser leurs intérêts en associant la classe ouvrière à un pacte social/racial relativement équilibré, l’UE ne permet plus, dans le cadre de la compétition forcenée avec les puissances capitalistes émer- gentes, d’offrir les mêmes avantages aux classes subalternes à l’échelle européenne. L’UE est tech- nocratique, antidémocratique et antisociale. En un mot, elle remet en cause le dispositif général de l’État racial intégral qui tenait aussi sa légitimité de son bras social. Ainsi brise-t-elle le consensus qui a fait la fortune de l’État-nation et crée des dissensions tant à l’extrême gauche qu’à l’extrême droite de l’échiquier politique et au sein des classes sacrifiées. L’État ne repose plus que sur le pacte racial dont les gouvernants lucides craignent l’usure. En effet, comment garder le pouvoir et poursuivre méthodiquement la démolition du compromis historique entre le capital et le travail au profit du premier tandis que s’exacerbe une colère sociale qui vise d’abord la politique libérale du gouvernement et les institutions de l’État ? Réponse : en s’appuyant sur le racisme pour liquider l’État social. Mais c’est une solution à double tranchant qui peut autant favoriser une issue fasciste qu’une issue révolutionnaire. Aujourd’hui, (…)«