La prise du Capitole aura donc été un échec, pitoyable. En quelques heures, les «colonisateurs» du Sénat (l’Assemblée Nationale française pour les citoyens des Etats-Unis), auront été refoulés, pour certains, arrêtés, pour d’autres, recherchés. L’insurrection de Trumpistes radicaux, bien moins nombreux qu’attendus, s’est terminée par, des morts, des Sénateurs (qui ont dû cesser de réaliser leur certification de celles des Etats pour l’élection présidentielle), aux abois et mis sous protection. L’instigateur en chef de cette émeute factieuse s’est retranché dans son habitat dont il dispose des clés pour 10 jours encore, et, alors qu’il pensait, de là, pouvoir haranguer et motiver ses troupes fantômes, les gestionnaires de ses comptes de réseaux sociaux, Twitter et Facebook notamment, lui ont coupé le sifflet – cette «liberté de parole», élément principal de sa tyrannie depuis 5 ans. L’élu est désormais un paria, et beaucoup demandent qu’il est l’honneur de partir immédiatement ou qu’il soit le plus rapidement destitué, son état mental faisant craindre qu’il ne se serve de son pouvoir pour déclencher une guerre nucléaire, histoire de rester dans l’Histoire humaine comme l’un des pires salauds et criminels, aux côté de quelques autres. Le «crédit social», son honorabilité, comme ils disent, est désormais quasi nul – même si, pour ses ultra, fanatiques, il est et restera, un «Messie». C’est que Trump est parvenu à rassembler les différentes composantes de l’extrême droite américaine – parce que c’est elle qui est le véritable problème, et pas celui qui aura été son héraut/héros pendant 5 ans. Il a dit et il a fait ce que beaucoup des membres de cette extrême droite voulaient. Ce sont eux qui ont dit, notamment au sein du parti des Républicains : mais ces élections, ne vont-elles pas être truquées par les démocrates ? Et comment comprendre que, dans un parti politique, il y ait une telle sensibilité à la fraude électorale ? C’est que, de ce point de vue, les Républicains sont des experts : dans les Etats qu’ils dirigent, ils ont pris, et ce depuis belle lurette, des dispositions pour empêcher des femmes et des hommes, pauvres, noirs, hispaniques, immigrés, de voter – et, comme un article de «Les Jours» le rappelait cet été, osaient même revendiquer de telles dispositions sans lesquelles, selon certains d’entre eux, ils ne pouvaient pas gagner les élections. Que nous, nous trichions aux élections, c’est nécessaire et c’est normal, mais si, finalement, les démocrates faisaient de même ? Nos trucages verraient leurs effets, annuler. Trump a donc converti ses échanges au sein des Républicains en propos/tweets explicites : il y a plusieurs mois, en amont des élections, il a mis en doute la crédibilité des moyens et des résultats – évidemment, uniquement quand ils lui seraient défavorables… Il n’a pas cessé, de semaine en semaine, de répéter ce principe : si je gagne, les élections se seront passées sérieusement, honnêtement – et si je les perds, c’est qu’elles se seront passées de manière frauduleuse. Or, par l’effet même du recours massif au vote par correspondance, notamment pour le motif sanitaire, les experts es démographie/démocratie américaine ont annoncé qu’il était fort probable que, le soir de l’élection, les premiers résultats seraient favorables à Trump mais que, au fur et à mesure du dépouillement du vote par correspondance, les nouveaux résultats seraient, eux, favorables à Biden. Or, pendant que ce qui avait été annoncé se produisait, les Trumpistes maintenaient leur accusation principale concernant les processus électoraux (déclinée par des, pas fiables, pas réels, pas crédibles), et usaient des moyens judiciaires pour obtenir gain de cause. Et là, les saisines furent massivement, encore, des échecs. Les semaines passèrent : les Etats proclamaient les résultats, les certifiaient, les transmettaient au collège électoral. Là encore, les Trumpistes annonçaient que nous allions voir ce que nous allions voir : et, en effet, nous avons vu les grands électeurs de ce collège, certifier ces résultats, comme prévu, en concluant, nécessairement, à une victoire de Biden. Après tant de prétentions vociférées et tant de cuisants échecs, il restait donc l’ultime moment : la certification de ces certifications, par les Sénateurs, sous l’autorité du vice-président. Pence devenait la clé. Il allait changer l’Histoire en cours. Mais, en droit, il n’en a pas le pouvoir. C’est ce qu’il fut obligé d’écrire au Président, par une lettre publique, alors que Trump exerçait une pression sévère sur lui. Et quand Pence en resta à la lettre de la Constitution, Trump, celui qui prétendit si souvent «aimer le drapeau, défendre la Constitution» finit par se fâcher aussi contre son adoré Pence. Tout était fini. Sauf si, avec les bras cassés, hurlant devant le Sénat suite à l’invitation de Trump/Palpatine, le Sénat était pris, les Sénateurs, mis en fuite, la République, annoncée être défunte, et… Mais voilà : des bras cassés restent des bras cassés. Leur prise du pouvoir s’est résumé à, pour l’un, mettre ses pieds sur le bureau de la cheffe de la Chambre des Représentants, un autre, se faire prendre en photo au perchoir, à déambuler dans les couloirs comme s’ils découvraient un lieu extra terrestre. Après la stupeur, les tremblements, la découverte des morts, des blessés, des hommes armés pénétrèrent dans le Sénat et mirent aux arrêts ces «suprémacistes» si faibles. La marche sur Washington était déjà terminée, à peine venait-elle de commencer. Mais si l’extrême droite américaine, pas propre sur elle, s’est désormais incarnée dans des corps et des visages, comme certains avaient été entrevus à l’occasion de contre-manifestations anti Black Live Matter, si Trump a été, seulement, son champion, désormais perdu pour la cause (étant donné que dès qu’il va quitter la Maison Blanche, cela devrait être le début de ses longs ennuis), c’est l’omniprésence et l’influence de cette extrême droite américaine qu’il s’agit de percevoir, de connaître, de comprendre, si on veut, ici comme ailleurs, lui opposer, moyens, stratégies, projets. Trump n’est pas devenu Trump par lui-même : outre la construction familiale, par le père, du monstre narcissique (décrit par sa nièce), il y a eu la formation intellectuelle par son mentor, l’avocat mafieux, homosexuel honteux (publiquement, il vilipendait et insultait les homosexuels, alors que, en privé, il en était un lui-même), bras droit de Mac Carthy pendant la célèbre et dramatique période de la «chasse aux communistes», au début des années 50. Trump a été «coaché» comme on dit aujourd’hui par Roy Cohn, lequel n’aura été lui-même qu’un des activistes d’extrême droite, parmi d’autres – parce que ce pays en est rempli, ce que chacun peut percevoir à notre époque sur le réseau des radios privées, sur les blogs et sites en ligne, sur des chaînes de télévision. Actuellement, la progression de la présence et de l’expression de l’extrême droite dans les médias, en France, interpelle, intrigue, inquiète, scandalise, de nombreux citoyens, mais aux Etats-Unis, la situation est 1000 fois pire, et ce depuis longtemps déjà, mais a été renforcé par les sites Internets, les pages Facebook, les comptes Twitter. Or ceux-ci ne sont pas fermés et ne vont pas fermer leur g…. g….. Ils vont continuer, demain comme hier : d’inventer des fictions/théories délirantes, douteuses et dangereuses, de diffamer des personnes et des organisations, de racialiser les sujets et les problèmes collectifs, de parler avec violence et d’inciter à la violence. Ils vont faire du Trump sans Trump et même aller beaucoup plus loin que lui. C’est pourquoi ils l’ont tant soutenu : un tel champion qui leur ressemblait tant, qui parlait comme eu x, qui parlait d’eux en les qualifiant de «types bien» (alors que pour tant, ils sont sinistres et affreux), c’était un «miracle». Et comme beaucoup sont chrétiens (autoproclamés, parce que entre eux et Jésus, cherchez les liens…), ils ont eu vite fait de faire le lien entre Trump, Jesus, et Dieu. Nous, nous en rions, mais eux sont «sérieux». Enfin – sérieux, non, pas vraiment. Ils sont sérieusement convaincus de leurs délires, mais comme les fous peuvent l’être. La chute de la maison Trump est celle d’une folie qui a été pendant presque 4 ans, moyenne, «modérée» mais qui, quand l’horizon a rapproché le mot fin de leurs consciences, est devenue immodérée, totale. Certains pensèrent même, avant de partir pour la marche sur Washington, s’injecter de l’eau de javel dans le sang, histoire de détruire le Covid-des-démocrates-pédocriminels-dans-une-pizzeria, de détruire tout autre agent qui pourrait leur être instillé à l’insu de leur plein gré, et de se mettre un coup de fouet, mais juste avant de partir, ils ne mirent pas la main sur la bouteille de Javel (ils ne surent pas que Steve, qui manquait à l’appel de la marche, et qui ne répondait pas aux appels téléphonique, avait bu toute la bouteille d’eau de Javel et était mort ce matin avant d’arriver à l’hôpital).